Serpents et Échelles - L'engagement...
La majorité des gens qui ont atteint un âge certain connaissent ce jeu très ancien des Serpents et Échelles. Le but du jeu étant de faire avancer son pion sur une planche de jeu en essayant de nous rendre à la dernière case tout en empruntant des raccourcis, représentés par des échelles, et en évitant les dégringolades occasionnées par l’arrivée de notre pion sur la queue du serpent, ce qui nous refoule instantanément en arrière dans le jeu.
J’ai choisi l’image de ce jeu pour vous entretenir sur le phénomène de l’engagement personnel. La transformation de notre personne vers un meilleur soi-même ressemble étrangement au chemin parcouru quand on s’attaque au jeu des Serpents et Échelles. Ce chemin est meublé de peurs, de toutes sortes de peurs. Des peurs ressenties à des niveaux différents par nous les humains qui nous engageons sur la planche de jeu de notre vie de tous les jours. L’engagement que nous prenons en poussant notre pion sur la première case du jeu des Serpents et échelles nous jettent inévitablement dans un combat face à ses peurs.
Pour l’un se sera la peur de tomber, c’est-à-dire d’atterrir sur la queue du serpent. C’est alors la chute, le recommencement d’un bout de chemin déjà parcouru. Un parcours qui nous est déjà connu, mais qu’on n’a pas le goût de refaire, soit par ce que nous y avons déjà vécu et qu’on a peur d’affronter une nouvelle fois, ou encore par la monotonie causée par le déjà vu. Pour cette raison, ils mènent leur vie dans une crainte incessante de la déception et de l’échec.
Pour une autre personne, à l’opposée, ce sera la peur de réussir. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, bien des gens passent une grande partie de leur vie à l’auto sabotage, car ils ont peur de la réussite, d’être les premiers. Dans leur classe d’école, lors d’une course, dans leur milieu de travail, ces personnes vont préférer ne pas se démarquer, non pas parce qu’ils manquent de capacité de réussite, mais plutôt par crainte que leur réussite éventuelle ne les oblige à relever de plus grands défis encore. Sur la planche de jeu, ces personnes sont déçues lorsque leur pion s’arrête sur une échelle. Ils préfèrent finir deuxième. Réussir certes, mais sans jamais être en avant.
D’autre finalement, et ce n’est là que mon humble avis, souffrent de la peur la plus grande et la plus destructrice pour l’être humain. Ils ont peur de mettre leur pion sur la case départ. C’est la peur de l’engagement vers la découverte d’un nouveau « eux-mêmes ». Ils préfèrent regarder le jeu, toute leur vie. Leur absence d’engagement les garde dans une zone de confort. De leur œil extérieur, ils peuvent toutefois critiquer, car leur plainte n’a pas d’influence sur le jeu, si ce n’est que d’agacer par leur inactivité ceux qui se sont engagé. Malheureusement, cette personne ne peut vivre les déceptions causées par les Serpents, mais ne goûteras jamais non plus aux joies de l’accomplissement provoqué par les Échelles ou encore la présence de leur pion sur la case arrivée, celle de la victoire.
Mais pour gagner, il ne s’agit pas d’arriver au but le premier. Il s’agit d’arriver au but… simplement.
Si vous avez déjà joué aux Serpents et Échelles, vous comprenez que si on laisse les joueurs qui s’engagent jouer leur partie jusqu’au bout, tous sans exceptions, finirons par se poser sur la case arrivée. C’est inévitable. Leur engagement dans la partie est une garantie de finir tout en haut, lentement ou rapidement, mais sûrement.
Les gens qui s’engagent dans le jeu, soit par choix ou encore parce qu’ils y sont invités, ne risquent pas d’être déçus. Certes, ils sortent de leur mode de fonctionnement habituel, ils s’exposent à la critique, sont vulnérables au jugement des autres en relevant un défi. Par cette opportunité que leur propose la vie, ceux qui engagent leur pion dans le jeu des Serpents et Échelles y découvrent souvent une partie de leur personne dont ils ne soupçonnaient pas même l’existence. Ils se rendent compte soudainement que la zone de confort qu’il chérisse, aussi reposante et paisible peut-elle être, est un endroit où on cultive rarement le dépassement de soi-même et l’accomplissement personnel.
Réfléchissez bien avant de décliner une invitation à une partie de Serpents et Échelles. Les joies occasionnées par le plaisir de l’engagement personnel et le voyage en dehors de sa zone de confort ne présentent vraiment qu’un seul risque. Celui de la découverte d’une nouvelle personne qui sommeille en vous.
Bonne partie!