Une maille manquée? Cent fois sur le métier…
Lorsque j’étais petit et que je regardais ma mère qui tricotait, j’étais fasciné et absorbé à la vue de ses doigts qui fonctionnait à mille km/heure, eux qui faisaient bouger, d’un mouvement presque imperceptible, les deux baguettes magiques qui soutenant son ouvrage, s’habillaient lentement mais sûrement d’une forme qui s’allongeait, mélangeant à la fois les couleurs et les motifs, progressant doucement vers un produit fini qui, n’existait à ce moment que dans la tête de ma mère.
Parfois, elle s’arrêtait pour regarder son ouvrage et les derniers rangs de laine qu’elle venait de former… et elle repartait du plus belle, au même rythme régulier et mécanique qu’auparavant, sûre d’elle et de sa dextérité. Je pouvais parfois voir même dans ses yeux, qu’elle était ailleurs dans sa tête. Malgré la complexité de ce que ses mains étaient en train d’accomplir, elle pouvait se permettre de projeter sa pensée ailleurs, pour régler les problèmes, planifier le prochain repas ou encore fredonner un de ces airs qu’elle savait par cœur, pour nous les avoir chanter en nous berçant, mes sœurs, mon frère et moi.
Il arrivait également que, aussi soudainement qu’il est possible de s’imaginer, elle s’arrêtait net. Quelque chose ne fonctionnait pas. Son œil venait de détecter quelque chose. Son champ de vision était perturbé par une erreur qu’elle venait de commettre malgré toute son adresse. Voilà que je la voyais maintenant défaire ce qu’elle venait de faire jusqu’à un point précis. Elle avait raté une maille de son tricot. Elle était forcée de reculer et de recommencer. Dans son visage toutefois, aucune frustration, aucun regret, aucune colère. Juste le constat de son erreur et la connaissance précise de ce qu’elle devait faire pour réparer cette erreur. Il arrivait même qu’elle continue de chanter pendant la réparation. Une fois la maille manquée reprise, le foulard, les mitaines, les pantoufles continuaient de grandir… jusqu’à être finis. Elle y arrivait tous le temps, à ce produit fini car elle y travaillait à tous les jours, avec persévérance et régularité.
Aujourd’hui, cette image qui m’inspire, je la partage avec vous car elle décrit parfaitement notre parcours à nous, les obèses à vie. Nos efforts et notre persévérance sont parsemées de ces mailles manquées. Elles sont là sur notre route, sous la forme de ces repas trop copieux, de ces courses non faites, de ces écarts sur la discipline que nous devons nous imposer pour ne pas retourner d’où on vient.
La beauté est que, plus on chemine, plus notre esprit décèle rapidement ces mailles manquées, nous permettant de réagir et de corriger. Ma mère n’a jamais recommencé un foulard du début à cause d’une de ces mailles manquées. Calmement, avec l’assurance de réussir à atteindre son but, elle reprenait là où elle avait fait l’erreur, et continuait son ouvrage. Cent fois sur le métier… jamais elle n’aurait continué et laisser là une maille manquée. Elle acceptait de reculer, recommencer et réparer.
Lorsqu’aujourd’hui, dans la transformation de ma personne, je réalise que j’ai manqué une maille, je suis maintenant presque capable, comme ma mère de continuer de « chanter » calmement, de constater mon erreur, et de reprendre là où l’erreur a été commise, en évitant la frustration qui pourrait m’amener à recommencer du début, invalidant du même coup tout ce beau travail accompli. Lorsque je cours, je me repose, comme ma mère se reposait en tricotant. Je règle des problèmes, comme elle le faisait en planifiant son budget et ses repas malgré le ballet digital que ces mains effectuaient en manipulant ses baguettes magiques.
Dans votre cheminement personnel, où en êtes-vous dans la gestion de vos erreurs? Quel chemin prenez vous lorsque vous constatez que vous avez raté une maille en tricotant votre personne? Fermez-vous les yeux? Acceptez-vous la tâche de constater, de reculer et de reprendre? Quel sentiment vous habite-t-il lorsque cela vous arrive? Êtes-vous en mesure, avec le temps, de déceler plus rapidement ces accros et de diminuer l’impact de ceux-ci dans le progrès qui vous amèneront à votre produit fini.
Merci Maman, Cent fois sur le métier…